Par Isabelle Catzeflis
En cette journée bénie par la présence de Dieu, j’aimerais commencer par un cours texte d’un ami, Apolonio Carvalho Nascimento :
« La fraternité par la proximité n'est pas une utopie, c'est une réalité qui existe déjà et qui grandit sans faire de bruit. Tisser des réseaux de fraternité est la spécialité de ceux qui aiment[1]. »
J’aimerais vous raconter quelques faits vécus que je garde comme des perles. Ils ont toujours à faire avec une rencontre de personnes qui, a priori, n’étaient pas prévues dans mon programme de la journée, mais qui ont en donné une couleur toute spéciale, car elles se sont rendues très proches à travers un petit dialogue, un regard bienveillant, une aide donnée. Certaines perles se sont tissées en réseau de fraternité.
Les perles du quotidien : prier, écouter, relier
A l’arrêt de l’autobus, une jeune dame blonde attend, elle est toute seule. Pour ne pas l’ignorer, je lui demande quand passera le bus, et puis nous louons le retour du soleil. Je veux que ces courtes minutes ensemble deviennent vraiment fraternelles, alors je profite pour causer un peu avec elle. Elle est russe et semble vraiment contente de parler un peu. On continue notre conversation dans le bus, puis avant de descendre, elle me dit : « Enchantée d’avoir eu cette petite conversation, c’est bon pour toute ma journée, merci. »
Une autre fois c’est dans le train. Je lisais mes prières sur mon téléphone portable. Une dame en diagonale de ma place me demande d’éteindre mon téléphone car elle ne supporte pas les ondes. Je reste très surprise et contrariée. Je lui réponds que je ne suis pas sur internet, je lis un texte. Elle sort alors un appareil qui mesure les ondes et me dit que cela la fatigue vraiment. En moi monte une colère, puis je réalise que rien ne sert de prier Dieu si je n’aime pas la « sœur » qui est à côté de moi « comme elle voudrait être respectée ». J’éteins mon téléphone calmement puis je prie le chapelet. Lorsque la dame doit descendre, elle vient se mettre en face de moi et avec un regard si doux, si bienveillant, elle me remercie sincèrement. Je suis très touchée par son geste et son regard qui m’ont rapprochée d’elle et de sa pathologie qui est une grosse tare pour elle ! Je la pense souvent, elle reste présente dans ma prière.
Chaque jour, les nouvelles internationales transposent nos pensées sur des terrains de guerre, parmi des peuples meurtris ou affamés. Et toujours la même question nous taraude : que pouvons-nous faire pour la paix ?
Vivre pour la paix au loin, c’est vivre pour la paix ici, tout près de chez moi !
Par exemple, je vois qu’il y a des relations à rétablir entre les collègues du département juste à côté de mon bureau. En effet, ils vivent une situation très tendue avec leur chef et les plus jeunes commencent à se démotiver, à s’interroger sur leur futur professionnel. Un changement dans la gestion et les orientations a mis tout le monde sous pression et les rapports se détérioraient. Une démission après l’autre.
J’ai cherché à savoir ce que je pouvais faire pour aider, vu que je ne suis pas dans leur équipe. J’ai vu que je pouvais laisser ma porte du bureau ouverte, pour leur signifier qu’ils peuvent venir se décharger de leurs soucis chez moi et venir prendre conseil. J'ai essayé de me rapprocher encore plus de l'un ou de l'autre. À deux reprises, j'ai organisé un repas pour toute l’équipe, dans un lieu neutre. Puis j'ai commencé à proposer à tous ceux qui venaient me voir de prier ensemble pendant deux minutes.
Cela nous a fait tellement de bien ! Mon sentiment d'impuissance se changeait en grande confiance en Celui qui est Tout Puissant et m’a donné du courage afin d’interpeller une instance supérieure pour obtenir un audit, qui s’est fait et les choses se remettent gentiment en place. Mais dans tout cette turbulence, les relations fraternelles ont grandi. Et il y a une véritable joie à se retrouver chaque jour.
La proximité, un chemin
Un autre jour, j’étais tellement heureuse de rentrer d’un long voyage, que je ne voyais pas l’heure de descendre du train et de prendre le bus. Mais la gare était bondée de monde car plusieurs trains avaient été annulés. Je me préparais à filer quand mon regard tombe sur une jeune indienne aveugle agrippée à un pylône, sa canne blanche sous le bras. Je stoppe ma course et fais marche arrière : elle doit sûrement avoir besoin d’aide car elle est coincée par la foule. En effet, à mon offre de l’aider elle se décrispe et avoue qu’elle est là depuis une heure et ne sait plus comment faire puisque tous les trains sont bloqués. Je la prends sous le bras et nous déambulons dans toute la gare à la recherche d’une solution pour elle.
C’est dans cette démarche à forme chaotique que se passe le meilleur pour moi : je croise une ancienne collègue dont j’avais perdu les coordonnées et que je voulais absolument revoir ! La joie est visible pour elle et moi, et Shansi, l’aveugle, se réjouit pour nous. Nous allons boire un café ensemble dans l’attente de la correspondance pour Shansi. L’histoire finit comme un conte de Noël : la collègue retrouvée se charge de raccompagner personnellement en voiture Shansi ! Au plus grand bonheur des trois. Le bien fait n’est jamais perdu, il revient à…nous-mêmes.
[1] « Il existe des relations qui sont censées être fraternelles dès leur origine, comme dans la famille naturelle. Mais nous devons les renforcer, car la dynamique de l'amour exige de renouveler chaque jour l'acte de don de soi. Nous devons également les renforcer dans d'autres domaines : au travail, à l'école, dans nos relations de voisinage, afin qu'elles soient véritablement fraternelles. La fraternité doit être visible, constante et croissante. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire