À la Maison de l’Arzillier, à Lausanne, le 2 novembre 2025, une cinquantaine de personnes se sont retrouvées pour une nouvelle rencontre (la dixième depuis 2015) du groupe « Musulmans et chrétiens en chemin » autour du thème : « Proche de Dieu, proche des hommes. La proximité, un style de vie. »
Dans une atmosphère d’écoute et de respect mutuel, cette journée a été marquée par des conférences profondes, des témoignages émouvants et des échanges fraternels. Ensemble, croyants des deux traditions ont cherché à comprendre ce que signifie être proche de Dieu et comment cette proximité se traduit par la compassion, le service et l'amitié.
Membre du comité d’organisation, Sandrine Ruiz, ancienne présidente de l’Union vaudoise des Associations musulmanes, a salué l’assemblée en posant cette question : « Sommes-nous encore une seule et même humanité quand nous sommes capables de nous haïr, de nous détruire, de mettre la Planète à feu et à sang, de perdre toute valeur humaine, de nous faire souffrir les uns les autres. Que de douleurs ! Mettons de la Lumière dans tout cela. L'humanité, ce n'est pas que cela. Beaucoup d'autres ressources sont en chacun de nous pour nous rapprocher et nous aimer les uns les autres. »
Les deux conférenciers de ce jour vont présenter quelques-unes de ces ressources de nos traditions.
La source de la proximité selon l’islam
Pour le théologien musulman Yunus Emre Öncü, de Lyon, la proximité avec Dieu est la réalité la plus essentielle de l’univers : sans elle, tout devient vide ; avec elle, même la souffrance se transforme en lumière. L’être humain est en quête de cette proximité spirituelle — non physique — avec un Dieu présent partout, qui connaît nos pensées et nos cœurs.
L’univers tout entier témoigne de cette présence : l’ordre du soleil et de la terre, le cycle de l’eau, le fonctionnement du corps humain ou encore l’harmonie de la nature révèlent la sagesse d’un Créateur qui maintient la vie à chaque instant. Le Coran affirme que Dieu plus près de nous que notre veine jugulaire.
Pour se rapprocher de Dieu, l’islam propose d’abord les obligations prescrites : la profession de foi et la prière, qui exprime la louange, l’humilité et la reconnaissance. Les actes surérogatoires — jeûne, prières volontaires, méditation — prolongent cette relation.
Mais la voie la plus haute demeure la « bonne moralité » : douceur, patience, pardon, bienveillance. Le Prophète Muhammad a montré par sa vie que la compassion envers tout être vivant, humain ou animal, est le signe authentique de la foi.
Ainsi, la véritable proximité divine s’enracine dans la prière, la gratitude et l’amour du prochain. (Lire ici davantage sur sa conférence).
Nous sommes faits pour la rencontre
Dans sa conférence sur un parcours biblique sur la proximité, le théologien protestant Martin Hoegger, de Lausanne, commence par rappeler que Dieu est d’abord le Tout-Autre, le Créateur incomparable. C’est justement parce qu’il est au-delà de tout qu’il peut se faire proche. La relation entre Dieu et l’homme, dans la Bible, est une relation d’alliance : un dialogue entre un « je » et un « tu ». L’homme n’est pas fait pour la solitude, mais pour la rencontre.
À travers l’histoire d’Abraham et de Moïse, M. Hoegger montre comment Dieu se révèle comme le Dieu de la présence : « Je serai avec toi. » L’être humain, éloigné de son Créateur, est sans cesse appelé à se rapprocher. Les sacrifices, dans l’Ancien Testament, sont des gestes de rapprochement, et pour les chrétiens, le sacrifice du Christ accomplit cette réconciliation entre Dieu et l’humanité.
Cette proximité divine se manifeste aussi dans l’amour du prochain. Faire du mal à autrui, c’est blesser Dieu lui-même. Jésus révèle ce lien dans la parabole du bon Samaritain : en se faisant proche de l’autre, on rencontre Dieu et on entre dans la vraie vie. Enfin, M. Hoegger évoque « l’art d’aimer » selon Chiara Lubich qui est aussi un « art de la proximité » : changer de regard, aimer sans distinction, faire le premier pas, se mettre dans les mocassins de l’autre, et ainsi rayonner de la joie de Dieu en se tournant vers les autres. (Lire ici davantage sur sa conférence).
Témoignages croisés de fraternité
Les témoignages de Zeineb Zemzemi Schlatter, musulmane, et Isabelle Catzeflis, chrétienne, se rejoignent dans une même quête : vivre la proximité de Dieu à travers l’écoute, la foi et la fraternité.
Zeineb commence par évoquer le silence et l’écoute du cœur comme chemins vers Dieu. Pour elle, toute révélation est parole de lumière et de guidance. Elle raconte comment certains versets du Coran ont éclairé sa vie et l’ont soutenue dans l’épreuve, notamment après une fausse couche. Dieu parle, dit-elle, par des signes dans la nature et les événements. L’écoute, plus que l’étiquette religieuse, ouvre à la vérité du Créateur. Zeineb appelle chrétiens et musulmans à témoigner ensemble de cette présence divine, dans l’esprit d’Abraham, symbole d’amitié avec Dieu. (Lire ici davantage sur son témoignage).
Isabelle, de son côté, témoigne d’une fraternité vécue au quotidien. Marquée par ses années en Afrique, elle raconte comment de petits gestes d’amour – un regard, une prière, une écoute – transforment les relations. Dans le train, au travail ou dans une gare, elle découvre que Dieu agit dans la simplicité des rencontres. Pour elle, la paix au loin commence par la paix proche : aimer, écouter, accueillir, c’est déjà bâtir la paix du Royaume. (Lire ici davantage sur son témoignage).
Un écho des groupes de partage
En fin de journée, quatre groupes se sont formés pour discuter du thème de la proximité. Beaucoup ont exprimé combien ce temps de partage les avait nourris. Prendre le temps de parler en profondeur fait du bien.
Najouah, venue de Tunisie, a raconté comment elle a vaincu l’individualisme en Suisse en tissant des liens avec ses voisins. Jamal a témoigné de l’amitié née à l’hôpital pendant la pandémie. Une autre femme a évoqué la paix intérieure qu’elle a reçue au moment de la mort de son fils, en se souvenant de cette parole : « Nous appartenons à Dieu. »
Ces partages ont rappelé que Dieu vient en aide à celui qui se met au service des autres. Même un simple sourire peut être un don précieux. Tous ont souligné l’importance de revenir aux sources spirituelles, surtout dans l’épreuve, et de remettre sa vie entre les mains de Dieu.
Lire la conférence de Yunus Emre
Lire la conférence de Martin Hoegger
Lire le témoignage de Zeineb Zemzeni Schlatter
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